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Protect the Dolls: De la protection à l’action

“Protect The Dolls” est partout. Mais derrière le slogan, que reste-t-il ? À l’heure où les droits reculent, artistes et militantes rappellent que la solidarité demande plus qu’un simple post.

Ce n’était pas un orage soudain, mais un nuage qui s’épaississait. Un truc qu’on voyait arriver, lentement, mais sûrement. La haine ne débarque plus avec fracas : elle s’installe, elle griffe la loi, elle chuchote dans les couloirs du pouvoir.

Et là, au Royaume-Uni, ça y est. C’est officiel. La Cour suprême a tranché : une femme trans n’aura plus les mêmes droits qu’une femme cis. Un glissement qu’on croyait théorique devient concret. Noir sur blanc. Gravé dans la loi.

Être reconnue comme une femme, ça ne m’importe pas tant que ça. En fait, je ne veux pas être reconnue du tout. Je veux juste qu’on me laisse tranquille. Et je pense que c’est ce qu’on veut toutes, après cette guerre contre notre minuscule communauté — on est moins d’un pour cent de la population, et pourtant l’attaque est constante. On veut juste qu’on nous foute la paix.

Les mots de Charlie Craggs, autrice et activiste transgenre, sonnent comme une fatigue universelle. Celle d’exister dans un monde qui rend l’existence elle-même dangereuse. Une lassitude que partagent aussi des artistes comme Chéri, chanteuse et compositrice française, et Bryn, artiste belgo-rwandaise basée à Bruxelles. Elles nous parlent de cette époque, de ce climat, et de comment, malgré tout, elles continuent de créer, de monter sur scène, de prendre la parole…

 

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Le backlash est institutionnalisé

La Cour suprême du Royaume-Uni vient d’exclure les femmes trans de la définition juridique du mot « femme », leur refusant l’accès à certains espaces dits « réservés aux femmes ». Une violence qui se veut polie, presque bienveillante. Mais qui reste une violence, qui est, même, d’autant plus dangereuse qu’elle se cache derrière de faux arguments de “sécurité”. “C’est plus le lendemain matin que j’ai eu une espèce de fond de crise d’angoisse qui se passait toute la journée.” – Chéri. Ce sentiment de vertige, d’alerte silencieuse, beaucoup l’ont ressenti. Car ce qu’il se passe outre-Manche, ce n’est pas un cas isolé. C’est un symptôme. Celui d’un backlash organisé. D’un retour en arrière maquillé en souci d’ordre ou de protection. Protéger qui ? De quoi ?

Derrière cette fausse bienveillance se cache une mécanique très claire : hiérarchiser les existences. Écarter les corps qu’on refuse encore de considérer comme légitimes. “Ma gorge s’est nouée quand j’ai vu ce qu’il s’est passé, le trou dans mon ventre s’est agrandi, j’ai l’impression qu’on marche à reculons.” — Bryn . Un vertige partagé, ce qui se passe au Royaume-Uni est aussi une alerte pour l’Europe, et notamment pour la France, où le climat se tend, doucement mais sûrement.

 

Coachella, les paillettes et les vraies prises de position

C’est dans ce contexte qu’on a vu surgir le t-shirt « Protect The Dolls » sur la scène de Coachella. Signé Connor Ives, et porté comme un cri silencieux dont tous les bénéfices vont à Trans Lifeline, une association en soutien au personnes trans. Mais ce n’est pas anodin. Il faut saluer le geste de Troye Sivan, qui a porté ce t-shirt sur scène à Coachella. Un acte fort, dans un lieu aussi médiatisé, aussi chargé symboliquement et porteur d’un message politique surtout dans un festival fondé par un homme accusé d’avoir soutenu des mouvements anti-LGBTQIA+. Ce moment, vu par des millions, a enclenché quelque chose.

 

 

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Pour Bryn, le mot protéger est à la fois un soulagement et un rappel :

Ce mot, ça réconforte. Il montre que le danger est réel. Il permet aussi de combattre l’image fausse et violente des femmes trans comme agresseuses, alors qu’on est constamment agressées, en étant à peine un pour cent de la population.

Mais très vite, c’est devenu un template, un post, une story, une photo d’archive, et ces mots : Protect The Dolls. Le slogan s’est cristallisé, figé. Il s’est transformé en un geste d’Instagram, presque automatique, presque suffisant. Comme si ce post valait action.

Et Chéri le dit avec franchise :

Protect the Dolls, it feels a little bit like that’s enough activism for today.

Un geste angélique qui, pour beaucoup, remplace l’engagement concret. Pourtant, “protéger”, ce n’est pas juste repost. Ce n’est pas une simple intention. Protéger, c’est marcher, c’est inviter, c’est prendre la parole et surtout : la transmettre.



Protéger, c’est plus assez. Il faut être aux côtés. Il faut se battre.

« Protect », c’est joli sur un t-shirt. Mais aujourd’hui, ça sonne presque comme un mot d’ordre passif. Comme un mot doux qu’on glisse entre deux polaroïds. Le problème, c’est que l’époque n’est pas douce, elle est brutale, précise, organisée. Protéger, c’est bien, mais on a besoin de bras levés, de voix fortes, de vraies solidarités.
Pas juste d’un soutien. Les personnes trans ne sont pas des symboles. Elles sont là, elles créent, elles performent, elles vivent — et elles résistent face à des lois qui veulent les effacer, une bataille qui reste quand même terrifiante pour beaucoup comme pour Chéri…

Le milieu artistique, c’est un refuge. Mais être visible aujourd’hui, c’est terrifiant.

La scène, l’art, la musique, sont souvent perçus comme des bulles de liberté. Pourtant, même là, les corps trans peinent à trouver leur place. “J’ai galéré à trouver un nouveau label, un tourneur. On me fait moins confiance qu’à un homme cis. Mon prochain album est sur le point de sortir et je suis presque terrifiée qu’il marche. Parce que je deviendrais une cible.” Chéri

“L’industrie ne sait pas quoi faire de nous. Être visiblement queer, c’est pour eux, jamais bankable. Être femme noire et trans, c’est encore plus compliqué. Les gens ne s’identifient pas à nous. Comme si notre existence était autre, alors qu’on est juste des humains.” Bryn. Chéri évoque avec justesse ce paradoxe : l’envie d’exister dans la lumière, et la peur que cette lumière devienne projecteur de haine. Et pourtant, c’est précisément cette visibilité qui peut faire bouger les lignes. La scène est un espace politique. Un lieu où l’on peut amplifier des voix, donner une tribune, faire exister ceux et celles qu’on tente d’effacer. Il ne suffit plus d’être d’accord. Il faut agir. “Parlez de nous à vos concerts. Proposez-nous des feats. Prenez-nous en première partie. Montrez-nous. Surtout dans cette période de tension.” – Chéri

Bryn aussi le dit, sans détour :

Parlez de nous, collaborez avec nous, donnez-nous de la visibilité. L’art, c’est ce qui peut rassembler les communautés. On ne peut plus éviter les sujets politiques. Plus on les évite, plus on passe à côté du réel. Moi, je n’ai pas le luxe de ne pas revendiquer mon existence. C’est un privilège que je n’ai pas.

 

Ces mots, dit de manière très claire par ses deux artistes tant talentueuses, car ce qu’elles traversent, ce n’est pas une crise, c’est une offensive, et elles ne se combattent pas seulement avec de l’amour, mais avec du courage, du collectif, et des actes. C’est pour cela qu’il est grand temps de ne plus simplement protéger, mais de se lever et de se battre. Pour les droits. Pour l’égalité. Pour la reconnaissance.

N’oublions pas que la solidarité doit être active. Si vous voulez soutenir concrètement, vous pouvez vous renseigner et faire un don à des associations



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