Dans une ère où la frontière entre art et technologie s’estompe, Yugnat s’impose comme un visionnaire, mais surtout comme “le pape des mêmes” à l’heure ou les contenus viraux se surconsomment. L’artiste dévoile l’essence de son travail, où chaque image naît d’une inspiration fugace, qu’elle provienne d’une photo ou d’une idée absurde qu’il saupoudre d’une bonne dose de cynisme. À mi-chemin entre exploration numérique et maîtrise de la composition, il offre un regard singulier sur la façon dont les outils modernes, tout en décuplant la créativité, mêlant audacieusement Photoshop, IA et intuition pour redéfinir la création visuelle.
Quand tu as commencé les mêmes, ils étaient encore très confidentiels. Aujourd’hui, ils ont un véritable pouvoir viral. Comment perçois-tu cette évolution ?
À l’époque, c’était de niche, surtout en France. Les gens consommaient déjà des mèmes, mais il n’y avait pas de véritable engouement. Aux États-Unis, c’était déjà plus « huge ». En France, ça s’est fait progressivement, avec ce décalage habituel des tendances. Et j’ai eu la chance d’être au bon endroit au bon moment. Peut-être que j’ai aussi contribué à cet engouement.
Comment vois-tu les mêmes au prisme de l’art ?
Oh, t’as trois heures ? (rires) Moi, je suis un fervent défenseur des mèmes comme une forme d’expression artistique. Depuis le début, je les considère comme une forme d’art numérique. Je pense qu’on commence à avoir une réflexion commune sur leur statut. Peut-être qu’ils seront vraiment reconnus dans dix ans, comme beaucoup de formes d’art qui sont acceptées après coup. En attendant, je suis content de participer à leur développement.
Tu te considères donc comme un artiste ?
Pour moi, la pratique fait l’art. Quand tu vois que j’ai posté 22 000 publications en six ans, ça montre une forme de travail, presque de l’artisanat. Regarde : un mec qui scotche une banane sur un mur, c’est considéré comme de l’art. Alors pourquoi pas mes 22 000 publications ? Ce que je fais, c’est lunaire parfois, mais ça reste une démarche artistique.
Tu es une référence dans le monde des mèmes en France. Pourquoi penses-tu qu’on te considère ainsi ?
Ça tient beaucoup à l’incarnation. La plupart des pages de mèmes sont anonymes, ce qui correspond à la culture d’internet. Moi, j’ai choisi d’incarner ma page en devenant un personnage public. Ça permet de visualiser une tête, de raconter une histoire. Ça participe au storytelling : on associe mon art à ma personne, et ça crée un lien plus fort avec les gens.
Les mêmes doivent-ils toujours inclure une dimension satirique ?
Pas forcément. Il y a des mêmes absurdes, d’autres qui relèvent de la propagande politique. Moi, j’aime beaucoup la satire et le sarcasme, c’est ce qui m’attire et que je veux transmettre.
Te rends-tu compte de l’impact que peuvent avoir tes publications ?
Pas vraiment. Je vois bien les trends globaux et les personnages qui deviennent des références. Mais sur mon propre contenu, c’est plus flou. Je préfère ne pas trop y penser et me concentrer sur ce que je fais. J’ai des retours positifs et négatifs, mais globalement, je m’en fous. Mon but, c’est de créer, pas de réfléchir à l’image que je renvoie.
Comment l’idée de création te vient-elle ?
L’idée, souvent, surgit spontanément. Parfois, je vois une photo qui me fait rire ou qui me parle, et ça me fait penser à un concept. C’est un peu la magie du hasard, je suis guidé par ce que je ressens au moment où je vois une image. Cela peut être décalé par rapport à son message initial, mais c’est ce qui rend l’idée intéressante, quelque chose qui peut susciter des discussions.
Comment utilises-tu Photoshop dans ton travail créatif ?
Photoshop m’a accompagné tout au long de ma création. C’est le genre d’outil qui nous sert depuis nos débuts et qui est polyvalent à souhait. Tout le monde a un lien avec la suite. Si pour la plupart de mes créations, j’utilise mon téléphone, pour des projets plus poussés, plus complexes comme les couvertures de magazines, je passe évidemment par Photoshop et la suite Adobe. J’enlève les textes inutiles, je réajuste l’image pour la rendre plus percutante. Par exemple, si la photo a trop de personnes, je vais dégager ce qui n’est pas essentiel. Photoshop me permet de rendre l’image plus nette et cohérente avec ce que je veux exprimer, c’est un outil essentiel de notre palette de création.
Avec l’IA et des outils comme Photoshop, comment vois-tu l’avenir de la création ?
L’IA ouvre des possibilités incroyables, en rendant la création accessible à tous, sans avoir besoin de grandes équipes. Bien sûr que l’impact de l’IA a un impact énorme sur la création, c’est indéniable. Cependant, l’IA n’élimine pas les graphistes ou les créateurs. Elle sert d’outil pour enrichir la créativité. C’est comme un appareil photo qui ne remplace pas un peintre, l’IA peut être une aide, mais elle ne fait que retravailler ce qui existe déjà.
Tu es de plus en plus présent dans le milieu de la mode. Qu’est-ce qui t’attire dans cet univers ?
L’art, la culture, la mode… Tout ça m’intéresse. C’est un microcosme qui s’auto-alimente, parfois à outrance. Mais c’est fascinant. En plus, je détourne beaucoup l’image dans mes mèmes, alors c’est logique de m’intéresser à ces milieux. Et si je veux institutionnaliser ce que je fais, je dois explorer d’autres formes de création.
As-tu une collaboration rêvée ?
Il y en a plusieurs. Bien évidemment Balenciaga mais tu sais, plus on en parle, moins ça arrive ! Sérieusement, j’aime l’univers de Oakley dont je collectionne les lunettes. J’ai aussi une affection pour l’horlogerie et des marques comme Audemars Piguet, qui mêlent luxe et art. C’est un domaine fascinant.
Quelles thématiques marchent le mieux dans tes publications ?
La politique, ça fonctionne très bien. Le sexe, et tout ce qui est extrême en général, ça attire. Mais à l’inverse, la vie saine marche aussi, parce que mon audience vieillit. Maintenant, être « rock’n’roll », c’est aller faire un brunch !
L’univers de Yugnat en 3 mots ?
Sarcasme, bricolage et détente
Adobe en 3 mots ?
Montage, Suite et Photoshop