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Comment être un.e bon.ne allié.e dans la lutte contre la grossophobie ?

Le débat autour du rôle d’allié.e dans l’activisme s’est récemment enflammé, tout comme celui sur l’amplification des voix marginalisées. Aujourd’hui, les militants contre la grossophobie redéfinissent la façon dont les personnes aux corps privilégiés peuvent contribuer efficacement à cette lutte.

“Les personnes aux corps privilégiés devraient s’impliquer sur le terrain ou en ligne, soutenir activement les activistes qui luttent contre la grossophobie, sans recentrer sur soi, et faire abstraction de l’expérience personnelle de leur corps”, estime Evette Dionne, rédactrice en chef de Bitch Media. Car “une lutte efficace contre cette discrimination nécessite la collaboration d’allié.e.s.”

Aujourd’hui, la récupération massive du concept de “body positivisme” à des fins commerciales n’a fait qu’amplifier le sentiment d’exclusion auprès des personnes grosses. Ce mouvement, qui avait débuté dans les années 60 comme une véritable volonté d’acceptation, a muté. Voilà quelques années que le body positivisme s’est mué en un message clickbait pour dire que “tous les corps sont beaux”, brouillant les lignes entre body positivisme et self-love. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui, certains influenceur.se.s minces ne savent plus ce qui constitue un vrai soutien aux personnes grosses.

Que faudrait-il faire pour être véritablement efficace ? Partager des images engagées ? Boycotter des marques irresponsables en manifestant ? Qu’est-ce que ça veut dire exactement d’être d’un.e allié.e dans la lutte contre la grossophobie en 2021 ?

“J’ai tellement appris de ceux qui ne me ressemblent pas, en ligne et en écoutant leurs expériences personnelles”, raconte Mik Zazon, créatrice du mouvement #NormalizeNormalBodies. “Mon cas n’est pas isolé ; c’est un problème généralisé.” Bon nombre de personnes grosses, dont Alysse Dalessandro, blogueuse et initiatrice de Ready To Stare, ont salué Zazon pour ses prises de position. À l’origine de The Rose Retreats, Zazon et son équipe ont recruté un panel hétéroclite d’influenceur.se.s dont l’objectif était d’éclairer l’audience sur le monde qui les entoure. Ces contributeur.rices sont payés pour leurs publications, ce qui compte pour Dalessandro, qui rappelle que les auteur.rice.s gros.ses sont souvent contraint.e.s de travailler gratuitement.

“Je crois sincèrement que le body positivisme a été créé pour libérer et affranchir tous les corps de l’oppression de la société et de la discrimination fondée sur le poids”, affirme Alysse Dalessandro. “Partager un selfie si tu possèdes un corps privilégié n’est pas inspirant pour quelqu’un qui ne partage pas ta constitution.”

Mik Zazon met fréquemment en avant des personnalités spécialisées dans le combat contre la grossophobie sur son compte Instagram qui compte près de 900 000 followers. L’activiste prend soin au préalable d’indiquer clairement à son public qu’il s’agit d’un espace safe où chacun peut partager ses expériences. La haine n’y est pas tolérée. C’est pourquoi elle s’assure de bannir de sa plateforme toute personne qui pourrait nuire aux auteur.rice.s qu’elle présente “pour leur épargner un travail émotionnel supplémentaire et inutile”.

La question des allié.e.s minces ne fait pas l’unanimité. Les personnes grosses ont été maintes fois invisibilisées par celleux qui prétendent les soutenir, mais qui, en réalité, prennent d’assaut cet espace et écartent ces voix minorées. Constatant cette oppression à l’intérieur de la lutte, Da’Shaun Harrison, rédacteur en chef du magazine Wear Your Voice et auteur de Belly of the Beast: The Politics of Anti-Fatness As Anti-Blackness, confie que ces personnes minces “ne sont pas vraiment des allié.e.s”.

“À mon avis, ces personnes ne sont pas vraiment concernées par la représentation des personnes marginalisées. Bien au contraire, elles se contentent de manifester de la sympathie pour le groupe marginalisé, mais privilégient avant tout leur propre intérêt”, estime Harrison.

Pour celles et ceux qui sont prêts à relever le défi et ne pas se contenter dupartage de contenu viral sur les réseaux, cet activisme nécessite une éducation et une compréhension approfondie de l’expérience de la corpulence. Cette sensibilisation dépasse la simple volonté d’abolir la honte à l’égard de certains corps et encourage une prise de parole par les concerné.e.s. ainsi que des évolutions politiques concrètes. “Peu d’efforts ont été déployés en faveur de l’adoption de lois contre la discrimination sur le lieu de travail et protégeant les personnes grosses de la discrimination”, ajoute Dionne.

Les réseaux sociaux ont contribué à la promotion du mouvement dans son ensemble mais ont également eu un effet pernicieux en le recentrant sur l’ego des gens. Cette situation a conduit des femmes, particulièrement les blanches et minces, à créer des marques personnelles centrées sur le body positivisme. Celles-ci n’ont pas donné un écho aux personnes grosses, ou seulement après s’être d’abord personnellement mises en avant. Les hashtags du mouvement de body positivisme sont inondés de “femmes blanches minces assises qui donnent à leur corps un rôle qu’il n’aurait pas si elles étaient debout”, comme le résume Dalessandro.

La meilleure façon d’être un.e allié.e est d’abord de démanteler la grossophobie qui est en toi. OK, tu es peut-être à l’aise avec l’idée de partager des contenus sur le body positivisme sur Insta, mais est-ce que tu sortirais avec une personne grosse ? Est-ce que tu engueulerais un pote ou un membre de ta famille qui a fait preuve de grossophobie ? Est-ce que tu défendrais les mêmes causes à table qu’en ligne ?

Pour mieux comprendre l’expérience vécue de son corps, il est essentiel de se souvenir de la chose suivante : avoir une forte corpulence n’est pas un choix. Comme l’explique Dionne, la société nous enseigne que le poids est quelque chose que l’on peut – et doit – changer.

“Les gens pensent toujours que notre corpulence est un choix et une responsabilité ; que si vous vous y mettez sérieusement, en surveillant votre apport calorifique, en faisant du sport, vous pourrez tous.tes être minces. Les personnes grosses ne seraient donc que des paresseux.ses”, explique Dionne. “Même avec les meilleures intentions, personne ne peut se battre pour un autre être humain s’il n’est pas en mesure de comprendre le motif de cette lutte.”

Dionne suggère de lire des ouvrages sur le sujet, notamment Killer Fat de Natalie Boero et Fearing the Black Body de Sabrina Strings. The Body Is Not an Apology: The Power of Radical Self-Love de Sonya Renee Taylor est aussidevenu un des bouquins de référence sur la question.

Si tu veux changer les choses, commence donc par entrer en contact avec des activistes anti-grossophobie en ligne ou dans la vie réelle, et leur envoyer des messages ou des e-mails. Essaye de t’immerger dans la communauté pour comprendre les différentes facettes qui la constituent. N’aie pas peur de poser des questions difficiles et de faire des erreurs. “C’est normal de se tromper, c’est normal de faire des erreurs”, comme le dit Mik Zazon, “parce qu’il ne s’agit pas de moi, mais d’égalité.”

Et quand tu postes sur les réseaux, oublie les règles non écrites sur la supposée beauté de ton feed, parce que si les codes esthétiques d’Insta t’empêchent de partager des contenus qui ont du sens, c’est que tu n’es pas vraiment dans le combat. Et n’oublie pas : “l’algorithme est dans ton camp”, ajoute Dalessandro.“[Ceux qui ont un corps mince] vont naturellement attirer plus d’attention en raison de leur privilège. Il faut donc utiliser cette attention et la partager avec des personnes que l’algorithme ne favorise pas.”

Ensuite, dans des discussions avec les marques ou le recrutement de managers, il faut faire l’effort d’inclure les personnes grosses dans des conversations sur la diversité. Dalessandro possède une liste d’influenceur.se.s spécialisé.e.s dans les grandes tailles et dont les marques peuvent s’inspirer lorsqu’elles trouvent qu’une campagne manque d’inclusivité. Il est vital d’opter pour une diversité de personnes qui enrichiront le débat, chacun avec son histoire.

Dans notre société centrée sur le numérique, un.e allié.e ne doit pas se limiter à un militantisme performatif. Ceux qui désirent défendre les voix et les corps marginalisés doivent savoir que les ressources n’ont jamais été aussi abondantes. L’opportunité est entre tes mains. Que vas-tu en faire ?

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